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Excursion dans le Nord-ouest de l'Argentine

Entre fin 1987 et fin 1988, j’ai effectué trois voyages en Argentine, où figurait en commun la partie nord-ouest . Je parlerai ici des provinces de Tucuman ,Salta et Jujuy . Mes motivations étaient diverses : photos de paysages, sites archéologiques, rencontre des habitants (en parlant leur langue), un reportage sur les métiers qui disparaissent et enfin, ce qui nous intéresse plus directement, l’étude de la flore " succulente " de ce pays. Le climat de ces régions est très sec et les pluies sont souvent limitées à des phénomènes orageux, principalement en fin décembre - début janvier. Beaucoup de plantes fleurissent à cette époque ; ainsi, je me rappelle, passant quelques jours à la ville de Salta avoir remarqué des orages éclatant tous les soirs à la même heure, avec une exactitude de quelques minutes. Le climat est donc très typé, avec des saisons bien définies.

Comment donc s’hydratent les plantes, le reste du temps (c’est à dire pendant la saison sèche)? Avec un environnement aussi difficile, elles doivent compter avec des astuces acquises au cours des millénaires. En effet, elles utilisent la condensation nocturne. Une petite pierre chauffée toute la journée au soleil, restitue sa chaleur pendant la nuit. L’air étant alors plus frais, il y a création de condensation. Les plantes poussent en conséquence à proximité des zones rocheuses ou caillouteuses, souvent à l’abri des plantes plus classiques. Les cactus d’Argentine utilisent le même système de survie que leurs homologues succulentes d’Afrique du sud ou de Madagascar. J’ajouterai que les plantes rencontrées dans ce périple poussent le plus souvent à des altitudes supérieures à 2000 mètres ; elles doivent par conséquent, lutter contre le froid nocturne, en particulier pendant l’hiver austral. Le fait que la zone soit traversée par le tropique du Capricorne, ne change pas grand chose au problème ; on est en montagne et la température, selon l’altitude, peut largement descendre en dessous de zéro.

Si vous le voulez bien, remontons cette région de la ville de Tucuman jusqu’au Nord d’Humahuaca... Une route ressemblant parfois à une piste de terre, avec le spectacle grandiose des « quebradas » (gorges ou canyons) aux roches de toutes couleurs, puis sur la gauche, les Andes et ses « cerros » (pics) de plus de 5000 mètres.

Dans la province de Tucuman, j’ai d’abord séjourné quelques jours dans de la localité de Tafi del Valle. Il s’agit d’une zone verdoyante, réputée pour sa production de lait et de fromages. C’est aussi la patrie de Soehrentia bruchii, un très gros représentant des Echinopsidés, d’un diamètre avoisinant les 40 cm. Ces plantes ont de puissantes épines, de couleur miel et une magnifique floraison d’un coloris entre l’orange et le rouge. On trouve également dans ce site, Lobivia schreiterii aux fleurs rouges avec une gorge noire.

Un autre endroit très intéressant dans la même province - il s’agit de la petite ville de Santa Maria (entre Tafi del V. et Cafayate), qui fut le point de départ de quelques randonnées :

- Une excursion archéologique à Fuerte Quemado - une forteresse érigée à flanc de montagne par les Indiens, pour tenter de résister aux Espagnols . Dans cet endroit j’ai découvert une toute petite plante appartenant au genre Parodia. Il s’agissait sans doute de P. microsperma. Ses épines sont de couleur claire et sa floraison jaune citron.

- Mais surtout une exploration des alentours de la localité, où j’ai rencontré Acanthocalycium griseum. C’est une plante grisâtre aux épines robustes, d’environ 10 cm de diamètre, capable de produire de magnifiques fleurs d’un jaune éclatant. Bien qu’elle soit parfaitement adaptée à la sécheresse, elle se protège néanmoins en poussant la plupart du temps au pied de petits buissons.

Une de mes expéditions journalières les plus passionnantes fut un périple d’une trentaine de kilomètres, effectué dans la même journée. J’étais parti au petit matin de la ville de Cafayate, dans la province de Salta. Dans cette région viticole, les montagnes sont déjà omniprésentes. Je me proposais alors d’escalader l’une d’entre elles. Fort des renseignements d’un collectionneur local de cactus - Dietrich Herzog, je connaissais déjà la flore que j’étais susceptible de rencontrer sur mon chemin. Après une longue marche au milieu des vignobles, je commençais l’escalade pour arriver, trois heures plus tard, au sommet du «Cerro de la Cruz ». Cette montagne est aussi un lieu de pèlerinage, d’où la présence de la croix en métal qui la couronne. Sur place je découvre alors deux espèces assez originales : Il s’agit de Lobivia haematentha v. viridis aux fleurs carmin, et une variété à floraison rouge de Parodia dichroacantha, deux petites plantes absolument magnifiques. Au retour, je visitais la collection personnelle de Dietrich Herzog, où siégeait un très intéressant assortiment d’Acanthocalycium, dont certains à floraison rouge (A. erythrantha et A. ferrari). Il m’a aussi fait découvrir une très belle plante, aux aiguillons longs et souples avec des fleurs oranges. Cette petite beauté a été nommé en son hommage : Parodia herzogii.

Me voilà arrivé maintenant à Tilcara, env. 230 km au Nord de Salta - alt. 2400m. (province de Jujuy), j’y visite une autre fortification indienne : le fameux Pucara de Tilcara. L’altitude commence à se faire sentir... Au milieu des ruines poussent de magnifiques exemplaires de Gymnocalycium saglionis d’environ 35 centimètres de diamètre et une forme non colonnaire d’Echinopsis ferox, aux très longs aiguillons (la floraison est blanche, avec des pétales pointus). Ce lieu est aussi peuplé d’une grande quantité de « cardones » - Trichocereus pasacana et d’Opuntia à fleurs jaunes (sans doute O. sulphurea, dont l’aire de répartition est très grande). Dernière découverte, sur la colline surplombant les ruines, Parodia tilcarensis - une petite plante avec ses jolies fleurs rouge sombre.

Je terminerais ici ce petit aperçu du Nord de l’Argentine, par une découverte que je dois à la floraison ! En plein milieu de la « Puna Verde », à 20 kilomètres au Nord d’Humahuaca (alt. 3500 m.), dans un océan de caillasse, j’aperçois une petite fleur de couleur saumon. Il y a en dessous un plante miniature que je n’aurais jamais pu voir : Médiolobivia pygmeae v. haagei ; en quelque sorte, un scoop ! Dans cet endroit inhospitalier commencent les populations de Parodia maasii, aux grandes épines incurvées et d’Oreocereus trolii, en forme de cierges velus (haut. 1m) aux multiples têtes.

Alexandre KALININE
membre de la Société Succulentophile Francilienne (S.S.F.)
16bis, avenue de la Motte-Picquet
75007 PARIS, FRANCE

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