Pour les amateurs de cactus, l'examen des plantes, dans leur site d'origine, a toujours un côté exaltant. Il réserve de nombreuses surprises et conduit à reconsidérer maintes idées reçues. Mais l'efficacité de tels déplacements dépend essentiellement de la qualité de leur préparation et de leur organisation.
Heureux participant à un voyage d'étude des succulentes sur les hauts-plateaux du Mexique méridional, je me permets de présenter quelques impressions ou suggestions qui suivent:
L'organisation de ce voyage a été tout à fait
remarquable, tant par sa précision que par son
efficacité. Le mérite en revient au professeur Norbert
Rebmann qui a personnellement préparé avec minutie
l'ensemble de l'opération et en a planifié et
surveillé la réalisation sur le terrain. Chaque
participant a été muni avant le départ, à la fois
d'une documentation générale sur le Mexique et d'une
présentation détaillée des différents sites
botaniques à étudier (36 au total), avec la liste
complète du succulentes ou autres plantes xérophytes de
chacun d'eux. A l'arrivée sur le terrain, chaque site
faisait l'objet d'un commentaire de présentation de
notre mentor qui fournissait au fur et à mesure de
nombreuses explications sur les différentes espèces de
plantes à observer. A l'évidence, la préparation de ce
voyage a dû demander à N. REBMANN un travail préalable
considérable de recherche documentaire et de prospection
personnelle sur le terrain. Il faut ajouter qu'au plan
stictement matériel, l'organisation a été également
excellente (qualité du guide mexicain, des hôtels, de
la nourriture, du car climatisé, etc ... ). L'aspect
touristique n'a pas été sacrifié, puisqu'au total deux
journées lui ont été consacrées (visite de quatre
sites archéologiques et du célèbre musée
anthropologique de Mexico). En définitive, grâce à
l'excellence de l'organisation, tant sur le plan
matériel qu'intellectuel, et à la densité du
programme, les participants ont eu la possibilité de
bénéficier du maximum d'informations.
La composition de l'équipe, quoique hétérogène, s'est
avérée fort satisfaisante. Tout d'abord, sa dimension
modeste (15 personnes) favorisant les contacts
individuels et la convivialité. Certes, les différences
d'âge étaient grandes de 30 à 70 ans), de même sans
doute que les origines, les formations et les activités
respectives. Mais cette diversité même a été un
facteur d'échanges enrichissants pour chacun de nous.
D'ailleurs tous les membres de l'équipe avaient une
passion commune, celle des succulentes, qui assurait sa
parfaite cohésion. Tous possédaient une collection plus
ou moins importante et tous disposaient de connaissances
botaniques de base relativement approfondies. La
participation à ce groupe de plusieurs horticulteurs,
dont certains très spécialisés, et d'un géologue, lui
donnait une collaboration "pluridisciplinaire"
dont nous avons tiré bénéfice. Enfin on doit signaler
que les cinq dames du groupe n'ont pas été les moins
participatives, ni les moins dynamiques dans le parcours
des sites.
Au total ces treize jours du voyage d'étude ont apporté à chacun de nous une riche moisson d'enseignements. Ils nous ont en outre permis de découvrir un grand pays et un peuple sympathiques, des paysages fabuleux et une flore dont pour ma part je ne soupçonnais ni la richesse ni la variété.
Au plan général deux constatations peuvent être faites.
Les grands cactus du type cierge ne semblent pas sérieusement menacés, compte-rendu de leur abondance et des difficultés d'accès des sites où ils prospèrent. Dans certaines vallées, sur plusieurs dizaines de kilomètres, la route longe sans interruption de véritables forêts de cactus recouvrant des pentes escarpées.
Il en va différemment des cactus et autres
succulentes de petite taille. A maintes reprises, nous
avons visité des sites où le pâturage des herbivores
domestiques (âne, chèvres, moutons) provoquait une
véritable dégradation des sols, le déracinement ou
l'écrasement des petits cactus. Seuls alors résistent
ceux qui forment de très grosses touffes ou qui sont
protégés sous le couvert rapproché d'arbustes très
épineux. Les jeunes articles des opuntias eux mêmes
sont souvent broutés au fur et à mesure de leur
développement. La croissance démographique rapide du
pays (la population mexicaine a triplé en 45 ans) et son
corollaire l'augmentation des défrichements,
représentant une menace grave et sans doute inéluctable
pour l'avenir de cette flore magnifique.
Il serait donc souhaitable de protéger sans tarder les sites de succulentes les plus menacées. Mais il est improbable que le Mexique puisse à lui seul assumer une telle charge, compte tenu de l'immensité de la tâche et des multiples problèmes de développement auxquels ce pays doit faire face. on peut donc estimer qu'une aide systématique de caractère international devrait lui être fournie, pour lui permettre de protéger sa flore si originale et si riche qui constitue un véritable patrimoine pour l'humanité entière. La première tâche consisterait sans doute à recenser et à délimiter les zones à sauvegarder; car dans ce vaste pays dont les semi-déserts occupent une grande partie, la connaissance des biotopes reste à parfaire. Chaque année apporte encore maintenant la découverte d'espèces nouvelles. Il conviendrait donc, de constituer de petites équipes de prospection pluridisciplinaires comportant notamment, outre un guide local, un pédologue, un botaniste spécialisé de la flore des zones semi-désertiques et un cactéologue. Leur tâche consisterait, pour chaque site, à faire l'analyse physique et chimique des sols, à déterminer leur pH, à recenser et à d´nombrer les diverses espèces, à faire une étude statistique de leurs principales caractéristiques et de leurs variations, à déterminer l'âge moyen des populations, à constituer une documentation photographique, etc...
Dans un second temps, il s'agirait d'assurer l'étude permanente et la surveillance continue de sites sélectionnés à cette fin. Les études porteraient en particulier sur la croissance des plantes, leur rythme de reproduction, les processus de fécondation et de fructification, leurs adaptations aux caractéristiques du biotope, l'analyse de la pluviométrie et de la température etc...
Pour les collectionneurs amateurs, de telles études présenteraient un grand intérêt. Car les diagnoses classiques des scientifiques répondent rarement à tous les besoins des "éleveurs" pragmatiques que nous sommes, en ce qui concerne les conditions de culture optimale des plantes. Les nouvelles informations obtenues nous promettraient d'affiner nos méthodes de culture en les adaptant aux caractères particuliers des différentes espèces et aux contraintes de développement propres à leur milieu naturel. Ainsi pourrions nous participer plus efficacement, en produisant des graines de meilleure qualité, à la conservation et à la diffusion des espèces menacées.
Il n'est pas interdit de rêver.
René ROUSTIDE
membre de la Société Succulentophile de l'Est Francilien
(S.S.F.)
16 rue Charles Pathé
94300 VINCENNES, FRANCE