LE JARDIN BOTANIQUE DE KIRSTENBOSCH

La ville du Cap, capitale 1égislative de l’Afrique du Sud, possède deux jardins botaniques. Le premier est situé au coeur de la cité, sur l’emplacement d’une partie de l’ancien potager des représentants locaux de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales. Ce jardìn vénérable, de dimension modeste, est pour l’essentiel un arboretum qui contient de très anciens et superbes specimens d’essences des zones tropicales et subtropicales de l’hémisphère Sud.

Le jardin botanique de Kirstenbosch est beaucoup plus remarquable. Situé au Sud de la ville du Cap, au delà d’une banlieue cossue, il est établi dans un site d’une grande beauté sur les contreforts de la face Est de la Montagne de la Table. Cette célèbre montagne -en fait un plateau surélevé- domine de plus de mille mêtres la ville du Cap et ses environs par des falaises spectaculaires. Les photographies ne peuvent pas rendre l’impression d’écrasement ressenti au pìed de ces hauteurs.

Le jardin, fondé en l913, occupe actuellement une superficie de 530 hectares. 38 ha. sur la partie la moins pentue de la zone, sont spécialement aménagés en jardin botanique. 16 ha.sont consacrés aux bâtiments administratifs, serres ou installations utilitaires diverses (restaurant, librairie, salles de réunions etc ...). 478 ha qui couvrent les contreforts de la Montagne, sont affectés à la forêt et à la végétation naturelles du "fynbos". Ce terme désigne une forme de végétation régionale, composée de plantes buissonnantes adaptées aux sols pauvres et aux incendies périodiques, en particulier des proteacées, ericacées et restionacées.

La partie cultivée regroupe quelques 6000 espèces de plantes d’Afrique du Sud qui ont pu s’adapter au climat local et à la nature du sol; la zone naturelle compte environ 900 espèces. Bien entendu la flore de la région du Cap est représentée en priorité. Elle est exceptionnellement riche. Occupant 4% de la superficie de l’Etat, elle compte 8500 espèces, soit 42,5% du total des espèces du pays. On trouve aussi dans le jardin divers vieux arbres d’origine européenne ou exotique (chênes, camphriers,...) plantés par les anciens propriétaires de la zone. Le sol du parc a été formé par la décomposition des éboulements de roches granitiques ou de grès schisteux provenant de ta Montagne de la Table. Il est assez acide.

Le jardin, dessiné avec beaucoup de soin, reflète à l’évidence un souci de recherche esthétique. Les masses végétales sont réparties harmonieusement, avec de larges espaces réservés aux pelouses. Ruisselets et pièces d’eau agrèmentent le paysage. Le cheminement des visiteurs a été soigneusement étudié, Larges avenues ou petits sentiers sont équipés de bancs pour le repos et offrent par place des zones ombragées. La signalisation de ces voies, comme celle des plantes, est en général excellente. Dans la partie supérieure du jardin, trois circuits bien aménagés permettent aux marcheurs résolus de découvrir méthodiquement la forêt naturelle et le fynbos. Le jardin est dans l’ensemble très bien entretenu,

Le visiteur européen est immédiatement frappé par la diversité et l’originalité des plantes, car seule une faible partie d’entre elles vit dans notre hémisphère. Disposant d’un temps limité, il sera amené à privilégier certaines zones. Par exemple celle des protéacées qui regroupe un grand nombre d’espèces de taìlle et de forme variées, offrant des fleurs printanières somptueuses. Là, les proteas voisinent avec les leucadendrons - en particulier le splendide "silver tree"- et les serrurias. A voir également le jardin des bruyères dont plusieurs espèces portent des fleurs très colorées, beaucoup plus grandes que celles que nous connaìssons en Europe. Le visiteur remarquera aussi l’amphithéatre des cycas et le petit jardin des senteurs où l'attendent, installées à sa hauteur, une vaste gamme deplantes aromatiques.

S'il s'intéresse plus spécialement aux succulentes, il se dirigera vers la plate-bande des mésembryanthèmes où figurent en touffes drues de nombreuses espèces de drosanthemums, lampranthus et autres petites succulentes rampantes qui s'illuminent de couleurs chatoyantes lors de leur floraison printanière. La monotonie de ces "mesem banks" est rompue par la présence de succulentes de plus grande taille, notamment celle de plusieurs espèces d'aloés, des touffes de portulacaria afra (la plante à éléphants) et de grandes crassulacées classiques, en particulier crassula ovata

Ce visiteur ne devra surtout pas manquer d'examiner la "rocaille de Mathews". Cette rocaille a été spécialement créée à partir de 1927, à l'initiative du premier conservateur de Kirstenbosch. Elle a été constituée au moyen de roches, pierres et terres tirées des pentes de la Table et reposant sur un drainage spécial. Ainsi ont pu être installés des exemplaires de la flore des zones semi-arides d'Afrique du Sud, On trouvera donc là de grands spécimens de nombreuses espèces d'aloes, d'euphorbes et quelques beaux cyphostemmas, En revanche, les succulentes de petite taille sont peu représentées, à l'exception de quelques euphorbes, senecios et cotylédons, (j'ai cependant repéré un glottiphyllum latifolium en fleur dans la rockery!). Cette situation s'explique probablement par les conditions naturelles de la zone, qui sont peu propices au développement des plantes des régions arides. Kirstenbosch reçoit en moyenne 1450 mm d'eau de pluies par an, réparties sur 140 jours; la température est de type méditerranéen (moyenne quotidienne minimale 15,4°, maximale 24,7°en février, mois le plus chaud). L'amateur de gasterias, haworthias, lithops et autres petites succulentes des zones arides restera donc sur sa faim. On peut supposer que la "nursery" du jardin, où s'effectuent des recherches sur les plantes en danger, possède une collection de ces succulentes. Mais ces locaux ne sont accessibles que sur rendez-vous.

Du fait de sa vaste superficie et de son emplacement extra-urbain, le jardin possède une petite faune. On peut ainsi voir quelques lézards, diverses espèces d'oiseaux, le peu farouche trancolin du Cap de la taille d'un poulet ou, beaucoup plus sauvage, la mangouste grise qui dévale prestement entre les massifs.

Certes, Kirstenbosch est un jardin botanique à vocation éducative. Il a été conçu aussi pour être un agréable jardin public, lieu de promenade et de détente pour les habitants du Cap. Le samedi où je l'ai visité, dès le matin, des familles joyeuses envahissaient le jardin, flânant dans les allées ou se reposant sur les pelouses, dans ce cadre à la fois grandiose et parfaitement humanisé. Comme le recommandent les guides européens pour l'Afrique du Sud, la visite de Kirstenbosch est "à ne manquer sous aucun prétexte".

René ROUSTIDE
membre de la Société Succulentophile de l'Est Francilien (S.S.F.)
16 rue Charles Pathé
94300 VINCENNES, FRANCE